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2014- Cergy

 

La problématique du colloque de Cergy-Pontoise, qui a eu lieu en novembre 2014, était celle de l’engagement: ‘En soi et hors de soi: l’écriture d’Annie Ernaux comme engagament’. Engagement politique, engagement dans le monde, mais peut-être surtout engagement d’écriture: les organisateurs du colloque, Pierre-Louis Fort et Violaine Houdart-Merot, ont ainsi invité des approches pluridisciplinaires. Si ce colloque était significatif, c’est aussi parce qu’il s’est déroulé à Cergy, la ville où Ernaux réside depuis la fin des années 1970. À cette occasion, Annie Ernaux a reçu un doctorat honoraire de l’université de Cergy – le seul, à ce jour, qu’elle ait jamais accepté.

 

Les actes du colloque, Annie Ernaux, un engagement d’écriture (dir. Pierre-Louis Fort et Violaine Houdart-Merot, Presses Sorbonne Nouvelle, 2015), incluent un entretien avec l’auteure.

 

 

 

Entretien avec Pierre-Louis Fort et Violaine Houdart-Merot

  1. Quels étaient vos objectifs en organisant le colloque de Cergy en 2014 ?

Notre objectif était double en organisant dans notre université, à Cergy-Pontoise, ce colloque, en concertation avec Jean-Claude Lescure, professeur d’histoire.

Nous souhaitions d’abord rendre hommage à une écrivaine de premier plan qui est habitante de Cergy depuis la fin des années 70 et qui revendique d’habiter dans une ville nouvelle qui, d’une certaine manière, correspond à sa situation de transfuge de classe. La ville de Cergy dit-elle d’ailleurs, « a modifié progressivement (s)a façon de voir le monde et d’écrire » et lui a inspiré directement plusieurs de ses livres : Le Journal du dehors (1993), La vie extérieure (2000)  ou encore  Regarde les lumières mon amour (2014).

 Le colloque auquel Annie Ernaux nous a fait l’honneur d’assister et de participer en prenant part aux échanges de manière toujours passionnante a par ailleurs été l’occasion de lui remettre un « doctorat d’honneur ». Comme elle le confie dans un entretien au journal Le Parisien en janvier 2014, Annie Ernaux a décidé de l’accepter bien qu’elle soit rebelle à toute forme de distinction « parce qu’elle a du sens ». Un sens double, comme le souligna Pierre-Louis Fort lors de la remise de ce doctorat d’honneur, parce que c’est une reconnaissance de l’université et parce que c’est la ville de Cergy, une ville nouvelle où elle a trouvé sa « place » et qui a permis une « distanciation » dans son écriture comme elle l’explique elle-même.

Nous souhaitions aussi explorer, en complémentarité avec les précédents colloques, un aspect essentiel de l’œuvre d’Annie Ernaux, et encore peu étudié, son engagement ou implication au sens large, qui est, fondamentalement un « engagement dans et par l’écriture ». Nous avons voulu saisir cet aspect dans toutes ses dimensions : politique, sociale, humaine, littéraire.

 

  1. À votre avis, quelle place détient Annie Ernaux dans le paysage littéraire actuel ?

 Un article de Sabine Huynh dans La Quinzaine littéraire de février 2016 (n° 1145), rédigé à l’occasion de la publication des Actes de notre colloque affirmait qu’Annie Ernaux « a changé notre façon de percevoir la littérature et son rôle ».

De fait, Annie Ernaux a complétement renouvelé la littérature : l’écriture à la première personne est devenue à travers son œuvre une « écriture du nous », le journal intime est devenu « journal extime » et présence au monde. C’est sans doute cette attention permanente à l’autre et aux autres, cette capacité à être « en soi et hors de soi » (début du titre de notre colloque) qui explique le pouvoir de cette œuvre sur ses lecteurs, ce pouvoir de « sauver » les autres.

Annie Ernaux est sans nul doute aujourd’hui un des plus grands auteurs dans le  panorama littéraire contemporain. Son œuvre est tellement riche et dense qu’elle lui a permis de conquérir un public très large, aussi bien en France qu’à l’étranger.

 

  1. Depuis le colloque de 2014, quelles publications d’Annie Ernaux vous semblent être des étapes significatives dans son œuvre ?  

 

Difficile de répondre à cette question car toutes les œuvres d’Annie Ernaux, depuis ses premières parutions, sont des étapes significatives dans son œuvre

Lors de notre colloque, une place particulière avait été consacrée à Regarde les lumières mon amour, paru peu de temps avant, centré sur le centre commercial de Cergy. Il manifestait d’une manière inédite l’implication de l’écrivaine dans la société.

La parution de Mémoire de fille en 2016 a de nouveau radicalement modifié la saisie de soi et du monde proposée par Annie Ernaux. Le dispositif mis en place qui joue de la tension « elle/je » est particulièrement intéressant. La lecture de ce « texte toujours manquant. Toujours remis. Le trou inqualifiable » comme Annie Ernaux l’explique dans les premières pages a ainsi ouvert de nouvelles perspectives critiques, non seulement à l’échelle du texte mais aussi à celle de l’œuvre entière.